Dans cette partie, nous évaluerons nos propositions précédemment présentées : quelles conséquences peuvent-elles avoir ? quelles limites présentent-elles ?
Nous cherchons à mobiliser et construire différents indicateurs pertinents pour estimer et evaluer la qualité et le coût du projet Réseau Rural & Frugal.
La qualité de service est un indicateur pré-défini dans le secteur des télécommunication, qui reflète la capacité à véhiculer dans de bonnes conditions un type de trafic donné, en termes de disponibilité, débit, délais de transmission, gigue, taux de perte de paquets.
La mise en oeuvre de notre architecture MESH sans-fil permet de pallier les problèmes induits par le centralisme courrament utilisé dans le déploiement. Mais le sans-fil est de manière générale moins optimal en qualité de service par rapport au filaire, qui comporte moins de bruit dans la transmission du signal.
Si notre choix d’infrastructure et la situation géographique ne sont pas indexés sur la qualité de serice proposée par un réseau fillaire en fibre-optique, il convient d’élargir cette notion de qualité en construisant de nouveaux indicateurs davantage représentatifs de ces nouveaux usages d’internet.
En effet la qualité de service pourrait aussi se mesurer en convivialité, c’est-à-dire en fonction du degré d’intégration avec le sémaphore et du temps passés dans le lieu partagé.
On peut aussi penser à intégrer la notion de résillience à notre indicateur de qualité. Pour cela on pourrait prendre en compte, grâce au maillage territorial (architecture MECH), la capacité à rattraper le réseau d’un autre sémaphore en cas d’interruption ou d’aléas. Un réseau conventionnel centralisé performerait moins bien sur ce critère.
Nous aimerions savoir combien de personnes faut-il au minimum pour assurer correctement le fonctionnement du sémaphore. Soit une personne salariée à temps complet ou plusieurs employés à temps partiel et réparties sur les heures d’ouverture. Les interventions au domicile pour la pose et la maintenance des longues vues doit aussi être assurée en parallèle du sémaphore mais ne requiert pas une présence complète. Il peut s’agir d’une seule équipe d’intervention en initérance à l’échelle de la région. Le coût serait alors mutualisé et réparti entre les communes.
Nous aimerions connaitre le coût économique de notre projet. Nous comptons sur la participation des localités et des subventions de l’État.
Contrairement à la plupart des opérateurs alternatifs actuellement établis et qui proposent un accès actif, c’est-à-dire qui revient à louer l’accès à une partie d’un réseau géré par un autre opérateur et ne nécessitant pas d’installation de matériel, l’association Réseau rural et frugal proposerait un accès passif, ce qui signifie que l’association loue l’accès aux câbles physiques d’un autre opérateur (arrivée d’une Fibre déployée par un des 4 opérateurs nationaux) et installe son propre équipement en certains endroits clés du réseau et gère chaque aspect technique de l’accès fourni aux utilisateurs. La location d’un accès passif est coûteuse et n’est envisageable qu’à partir d’un certain nombre d’abonnés, ce qui constitue un indicateur important à mesurer pour définir le prix de facturation des abonnés.
Le matériel disponible au sémaphore sera essentiellement du matériel récupéré, hormis le DSLAM chargé du multiplexage (l’équivalent du routeur au niveau du sémaphore) et l’antenne de diffusion longue-portée (prix à estimer autour des offres dans le haut-de-gamme).
Une longue-vue est constituée des mêmes éléments (antenne réception/émission longue-portée) et routeur, cette fois-ci en entrée de gamme (~60€ le coût d’une antenne et 80€ le coût d’un routeur).
Le coût environemental de notre solution doit être évalué au travers d’une analyse de cycle de vie (ACV) prenant en compte les matières premières nécessaires aux composants matériel, mais aussi le réemploi ou le recyclage de celles-ci. C’est en effet le coût de fabrication des composants utilisés qui impacte le plus l’environement.
Par ailleurs il convient aussi d’évaluer le coût énergétique de fonctionnement. En ce sens il faut être capable d’évaluer les performances d’une architecture MESH décentralisée par rapport à celle centralisée. La provenance de l’énergie est délibérée par les sociétaires, on suppose que la production électrique n’est pas assurée par l’association qui choisit plutôt d’adhérer à un fournisseur d’électricité tiers (type Enercoop).
Nous listons dans cette partie les apports de notre projet et leurs potentiels effets rebonds. Nous pensons
que
certains seraient résolus par la formation apportée aux habitants et la visibilisation du réseau, sous
réseve de
sa qualité.
Par exemple, la limitation de la consommation individuelle ne va pas forcément entraîner une volonté
démocratique d’augmenter cette limite au vu du fonctionnement de notre système, qui sensibilise aux
conséquences
que ce changement aurait.
Notre projet permettra de réduire la consommation habituelle d’un réseau actuel, parce qu’il introduit une limitation de l’utilisation individuelle du réseau et qu’il introduit un système d’intermittences, les deux étant décidés démocratiquement par des habitants au courant des enjeux car formés au cours des événements de l’association.
Notre projet permettra d’avoir un réseau résilient à l’échelle locale (par rapport à l’échelle nationale/internationale), parce qu’il propose des services et des sites web hébergés localement.
Notre projet permettra aux habitants d’accéder au réseau parce qu’il propose un accès à du matériel qui n’était pas forcément présent au départ par le biais d’une équipe à même de le réparer, d’en reconditionner, et de l’entretenir (ordinateurs, imprimantes, infrastructure réseau).
Notre projet permettra aux habitants d’utiliser des outils qu’ils ne connaissaient pas, parce qu’il propose des services physiques et en ligne, qui peuvent être collectifs (CHATONS) ou individuels (CLIC!).
Notre projet permettra aux acteurs territoriaux et aux institutions locales de communiquer avec la population sans avoir à forcément passer par des canaux publicitaires globaux, parce qu’il propose un réseau local à l’échelle du territoire.
Notre projet permettra aux habitants de réguler démocratiquement leur réseau parce qu’il y invite par son interface et que son institution est localisée en un local/cybercafé.
Notre projet permettra aux habitants de réguler démocratiquement leur réseau parce que les équipes de l’association les encapaciteront sur les enjeux de la gestion de leur réseau.
Notre projet permettra aux habitants de se rendre maître des services proposés par l’association parce qu’elle les y formera.
Le système fonctionnera par intermittences et ne sera pas (entièrement) disponible à toute heure.
Le système ne permettra pas le même usage du numérique : pas d’accès complet à l’internet mondial à toute
heure,
ni depuis chez soi.
Conservation de l’inégalité entre réseau urbain et rural.
On perdure dans la numérisation des services administratifs publics en proposant une continuité des services
papiers (déclaration d’impôts par exemple) dans l’association, ce qui contribue à la baisse des emplois
publics
(pas d’ataraxie).
Le système ne permettra pas d’avoir accès aux dernières technologies car il privilégiera de reconditionné et
la
réparation.
Le système n’est plus gouverné technocratiquement, par des acteurs privés (est-ce vraiment une perte ?
:p).
Il peut y avoir un certain “amateurisme” dans la gestion du réseau/des services : perte de compétences et/ou
fiabilité.
Perte de déresponsabilisation chez les habitants.
Mode de vie alternatif : certes notre système ne résout pas vraiment les questions d’inégalité ou de coût, mais ça promeut une autre manière de faire société qui nous semble souhaitable. On ne se focalise pas sur l’utilité, mais justement on élargit à l’usage, à l’organisation sociale qui l’accompagne.
Intéressons-nous, enfin, au concept d’empreinte fantôme, développé par Guillaume Carnino, historien des techniques, selon ses différentes composantes.
Le contenu de chaque catégorie d’empreinte fantôme ne correspond pas nécessairement strictement à la manière dont ces critères devaient être remplis. Ainsi, nous proposons ici une conclusion plus générale sur l’empreinte fantôme de notre système. Selon nous, notre proposition a une empreinte fantôme nécessairement forte, du fait de la connexion au réseau internet mondial. Toutefois, nous avons réduit, dans la mesure du possible, cette empreinte, en proposant un système qui s’adapte le plus possible aux habitants (plutôt qu’un système qui s’impose de manière restrictive), qui fonctionne à une échelle plus locale et qui cherche à redonner du pouvoir d’action aux habitants (gouvernance, transmission de savoir-faire, etc.). Finalement, nous avons cherché à redonner une échelle humaine à un système qui, par défaut, est organisé à une échelle mondiale : au lieu de penser uniquement “fonction du dispositif” (efficacité du réseau), nous avons élargi nos réflexions sur l’organisation de la commune. Ainsi, les défauts d’empreinte fantôme que nous percevons sont surtout liés au point de connexion avec le réseau mondial. Ce que nous avons voulu proposer est vraiment un mode de vie différent, qui nécessairement reconfigurera la commune dans son organisation. Cela créera peut-être une forme d’association entre “campagne” et “réseau alternatif”, de manière négative (les zones rurales n’ont pas autant de réseau que les zones urbaines) ou positive (on peut choisir de vivre en zone rurale précisément pour ce mode de vie potentiellement souhaitable).